Enquête sur l’assassinat de Jovenel Moïse: La justice haïtienne joue à la distraction
5 min readAlors qu’il a la responsabilité de fournir les moyens adéquats au système judiciaire haïtien afin de faire progresser l’enquête sur l’assassinat de Jovenel Moïse, le Premier Ministre haïtien Ariel Henry ne fait que constater l’état de dépérissement de la justice haïtienne comme tout simple citoyen. Entre l’enquête qui piétine dans le pays et les révélations de la chaîne américaine CNN, tout laisse croire que la justice haïtienne, éclaboussée, fait du sur place et joue au théâtre.
Celui qui fait office du premier citoyen du pays en absence d’un Président élu constitutionnellement le dit haut et fort dans son adresse à la nation le 7 février 2022. « Tout le monde peut constater que l’enquête n’avance pas. Ce sont d’autres pays qui font des arrestations de personnes suspectées dans ce crime. Notre système de justice marche très mal », relate Ariel Henry sur l’enquête de l’assassinat de Jovenel Moïse. « C’est pourquoi, poursuit le PM, personne ne lui fait assez confiance au point d’envoyer en Haïti les personnes qui ont été arrêtées afin que nous puissions les juger ».
Pour plusieurs citoyens, les autorités ne disent pas et ne se plaignent pas, mais agissent. Pour le PM de fait, cette parole semble ne pas faire l’unanimité. « Nous devons rendre au Président justice parce que si même un Président nous ne pouvons pas lui donner justice, ce n’est pas ‘’ti josèfak ti mari ki pral jwenn jistis’’ », ressasse le PM avant de signaler que son gouvernement a initié certaines démarches. « Je l’ai fait savoir au CSPJ, ainsi qu’au doyen du tribunal, après des démarches que nous avons entamées, il y a beaucoup de pays amis qui se disent prêts à fournir une assistance technique au juge qui instruit le dossier et celui de Me Dorval ». Si pour le PM Henry, ses adversaires politiques sont en train de jouer (fèjwèttè) comme des gamins avec le pays, dans l’affaire de l’assassinat de Jovenel Moïse, la justice haïtienne aussi, apparemment, en fait tout autant.
Par ailleurs, dans une correspondance acheminée au Secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro, le 27 janvier 2022, Jean Victor Génélus, le Ministre des Affaires étrangères dit désapprouver les démarches de Claude Joseph, Rockfeller Vincent et autres sollicitant de l’OEA une action régionale, face au blocage systématique de l’investigation par le Premier Ministre actuel Ariel Henry d’aboutir à la vérité ». « Le Gouvernement haïtien, écrit M. Genelus, vient d’apprendre avec stupéfaction que vous avez reçu aujourd’hui au siège de l’Organisation des États Américains (OEA) un groupe de personnes qui, sous le prétexte de faire avancer l’enquête en cours sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse vous utilisent à des fins de déstabilisation d’Haïti en vue de poursuivre des objectifs politiques personnels ».
Les révélations fracassantes de CNN
Dans un article paru le 8 février 2022, la chaîne CNN sur un enregistrement audio assimilant la voix à celle du juge Gary Orelien, affirme que l’actuel Premier Ministre haïtien, Ariel Henry, est impliqué dans la planification du meurtre de Jovenel Moïse. « Ariel (Henry) est lié et ami avec le cerveau de l’assassinat. Ils l’ont planifié ensemble. Ariel est le principal suspect de l’assassinat de Jovenel Moïse, et il le sait », a rapporté le media sur M. Orélien dans l’enregistrement. CNN dit confirmer que c’est la voix de M. Orélien qui, de son côté, dit ne pas se souvenir d’avoir « parlé à qui que ce soit de l’affaire en détail. »
D’après le juge qui était chargé d’instruire le dossier de l’assassinat, cet audio vise à salir son image. « Ils veulent que je quitte le pays, moi je ne suis pas décidé à le faire. Je suis né ici », a fait remarquer M. Orélien intervenant sur les ondes d’une station très prisée de la capitale haïtienne. Le juge a aussi parlé de chantage que l’un des journalistes qui a écrit l’article ferait à son encontre. « Je consulte des gens pour voir quelles réponses je vais donner à la chaîne américaine CNN », a déclaré celui qui se trouve présentement dans le viseur du CSPJ suite aux dénonciations de corruption du Réseau National de défense des droits humains (RNDDH).
Le FBI avance dans l’enquête
Au niveau national, le PM a bien précisé que l’enquête piétine. En effet, plusieurs suspects clés ont été inculpés à l’échelle internationale, comme Mario Antonio Palacios, l’ex-Sénateur John Joel Joseph, et Samir Handal. « Je confirme que des agents du Bureau Fédéral d’Investigation (FBI) questionnent à l’instant des détenus impliqués dans l’assassinat du Pdt Jovenel Moïse au Pénitencier national », a relaté l’ex-Secrétaire d’État à la communication, Frantz Exantus dans un tweet du 8 février 2022.
Soulignons que le juge Gary Orélien s’est dessaisi de l’instruction de l’enquête sur l’assassinat de M. Moïse, dans une ordonnance du vendredi 21 janvier 2022, après que le Doyen Me Bernard Saint-Vil a rejeté sa demande de prorogation dans le cadre de ce dossier. C’est le juge Mathieu Chanlatte qui s’était déporté de l’affaire bien avant qui a été chargé d’instruire le dossier.
Le message de Joverlein Moïse en date du 7 février 2022
Sept (7) mois après le crime crapuleux à l’encontre du 58e Président d’Haïti, l’un des fils du défunt en l’occurrence, Joverlein Moïse, ne sait pas rester dans son silence. « Par son assassinat, écrit-il, les garants de ce système pourri et corrompu ont envoyé un message à tous les jeunes hommes et femmes de notre pays. Ils nous disent : «Si tu penses être le prochain Jovenel Moïse, voilà comment cela va se terminer ». Pour Joverlein Moïse, on doit tout faire pour qu’il soit le dernier Président assassiné.
Wisly Bernard Jean Baptiste